Ah! Autrefois…

St André vers 1950

Je suis Gérard Buchillet et je suis né il y a 86 ans à la ferme du Champ Gelé. Vers 1890 mon grand-père y était déjà agriculteur avec deux vaches. Qu’il n’eût que deux vaches était courant à l’époque, car nombreux étaient les propriétaires de quelques hectares et quelques bovins. Dix hectares max. Et aussi était mon grand-père aussi.

Mon père s’est marié juste après la Grande Guerre et a repris la ferme et l’a modernisée. Il avait par exemple trois chevaux pour l’aider aux labours. Il a commencé avec 10 hectares et a fini avec 25 hectares dont 12 en propriété. La ferme, comme la plupart à l’époque, avait deux pièces : une pour la famille du fils et une pour les parents. Normalement, les parents y restaient jusqu’à leur mort.

Notre famille c’était mon père, ma mère, une sœur et quatre frères. Ma sœur s’est mariée à un cheminot. Il a travaillé dans 14 gares. Un frère, de 10 ans mon ainé, était ingénieur et est parti de St André. Mon frère André et moi, nous sommes devenus agriculteurs à St André. André a épousé une femme de Saint Huruge et ils ont eu une fille : Françoise Dussably. Mon frère a commencé sur une ferme de 7 ha à Donzy, puis l’a vendue et en a acheté une autre de 11 ha au Pâquier, là où Françoise habite encore aujourd’hui.

Moi, je me suis marié à une femme de St André. Nous avons eu deux fils. L’ainé est décédé jeune d’un cancer et l’autre, David, a maintenant la ferme du Champ Gelé. Ma femme est décédée il y a longtemps. J’ai été agriculteur toute ma vie. J’ai commencé en 1958 avec les 25 ha de mon père et j’ai fini avec 105 ha et environ 100 vaches. Cette croissance je la dois en partie aux ingénieurs de la Chambre d’Agriculture de Mâcon dans les années 80. Dans ces années-là, on a commencé à travailler de façon plus efficace. J’ai commencé le travail avec les chevaux et j’ai vu arriver les premiers tracteurs. Ces premiers tracteurs sont loin de ce qu’on peut voir sur les routes aujourd’hui. Pendant 40 ans j’ai exploité la ferme du centre de St André – la maison avec le joli toit. George Plassard, gendarme à Mâcon/Lyon, en était le propriétaire. Il l’avait hérité de ses parents. La ferme avait beaucoup de terres et dans le temps elle avait deux grandes portes en bois à l’entrée. Il y a beaucoup plus longtemps – alors je ne le sais que par ouï-dire – cette maison avait deux tours carrées et servait de halte, entre autres pour les chevaux. Avec un peu de fantaisie on pourrait dire que c’était le haras de St André.

J’ai arrêté quand j’avais 60 ans et en 2009 j’ai acheté la maison où j’habite maintenant. C’était en fait deux maisons, la maison de gauche appartenait à un tailleur de vêtements pour hommes. Le costume de ma première communion a été fait par lui.

Annee Inhabitants
1876 1025
1881 953
1886 959
1891 866
1896 834
1901 783
1906 796
1911 735
1921 607
1926 558
1931 546
1936 505
1954 405
1962 368
1968 317
1975 297
1982 286
1990 265
1999 261
2006 264
2007 268
2008 264
2009 261
2010 257
2011 264
2012 269
2013 264
2014 258
2015 253
2016 251
2017 251
2018 250

Le village était tellement différent avant. Le tailleur n’était pas la seule entreprise, il y en avait pas mal : un café, un restaurant, deux forgeries, le boulanger et la boucherie.

Le boucher du village achetait une vache à un fermier du coin et l’amenait dans un petit bâtiment en face de la boucherie. Alors on l’abattait et ramenait la viande dans la chambre froide de la boucherie.

Les forgeries travaillaient surtout pour les agriculteurs du village. Ils faisaient les portails, le ferrage, etc. Et Madame Delorme préparait les repas des fêtes. Jusqu’à St Bonnet.

Ah oui, le bon vieux temps… Vous saviez que les meilleures terres de St André se trouvent au Gros Chigy ? Autour du château on trouve les meilleurs sols calcaires. Sur tout St André, il y avait autour de 80 exploitants. Il y en avait qui n’ont jamais eu plus de 4 vaches. Mais ils ne faisaient pas que les bovins. Il y avait tellement plus que ça.

Par exemple, le grand-père de Danielle Dury, Jean Dury était l’exploitant de Ponsin, le propriétaire était Jean Bernard Michel de Donzy. Je pense environ 18ha. On y faisait de tout, comme souvent à l’époque. Des animaux : vaches, chevaux, cochons, lapins, poules et dindons. On y faisait du vin. De la culture pour le blé, l’orge, les haricots, choux, pommes de terre et betteraves et colza pour l’huile. Même le tabac poussait sur place. Il fallait le sécher sur le poêle et on le fumait avec un petit bout du journal. Ou on le chiquait bien sûr. Il n’y avait pas de pollution ou presque. Il n’y avait pas de tracteurs et on ne traitait pas contre les maladies ou les mauvaises herbes.

A l’époque les gens faisaient leurs besoins dans les jardins. Plus tard, à l’époque de mon père, arrivaient les toilettes dans le jardin dans des cuves qu’il fallait vider et avec les subventions du département on faisait aussi le stockage du fumier et la pisse des bêtes séparément. Une fois par an, mon père vidait les toilettes et épandait le fumier sur les terres et le potager.

Tout était fait à la main et tout était fait pour en vivre, pour nourrir les bêtes et le surplus était vendu. On gardait les légumes sous terre. Les choux par exemple, étaient couverts de copeaux de bois et de terre. Quand ma mère voulait préparer du chou, elle disait à mon père de le déterrer ou piocher quand le sol était gelé.

Ils mangeaient ce qu’ils avaient : porc, poulet, lapin, canard. Et ils buvaient ce qu’ils avaient : eau, lait (il y avait donc aussi du beurre), café. Le café c’était de l’orge grillé : il fallait le tourner, tourner, tourner pour griller l’orge régulièrement. Je me faisais disputer par ma mère si je m’arrêtais au bout de 10 minutes…

Dans une des maisons des Pornon, il y avait le pressoir. Pour le vin bien sûr. Tout le quartier l’utilisait et le vin était une boisson importante. Tout le monde, jeun et vieux en buvait. Parfois à la place de l’eau. C’était comme ça et ce n’était pas parce que l’eau était de mauvaise qualité.

Mais oui, finalement les gens achetaient peu de choses. On vivait de ce qu’on avait et on échangeait ce qu’on n’avait pas. C’est pourquoi l’argent n’était pas si important, il n’y avait pas d’impôts, pas de cotisations sociales. Il n’y avait même pas de banque ici où on pourrait déposer l’argent. On le gardait dans un tiroir fermé, dans le placard. Et si on nous volait, ils prenaient les lapins ou les poules, mais pas l’argent.

Le loyer des terres était souvent la seule chose qu’on payait en argent. Pour le reste on réglait ça entre nous. Si on avait besoin de farine, on apportait le blé – mon père par exemple 150kg par an – au Petit Moulin à Pressy et là on pouvait choisir : soit payer le meunier ou lui laisser une partie de la farine en paiement. Et ça fonctionnait pour presque tout. On pouvait faire son propre pain ou apporter la farine au boulanger qui en gardait un peu en échange. Pour gagner un peu d’argent en plus, ma mère vendait à la fin de l’année beaucoup de dindes. Elles étaient très recherchées (et chères) dans les villes pour Noël. Et ça suffisait pratiquement pour payer le loyer.

Il y avait aussi des courtiers qui passaient dans les villages pour acheter des biens. Chaque ferme avait souvent une bonne dizaine de clapiers. Il y avait par exemple un négociant de Passy qui achetait des lapins et la volaille. Il les achetait vivant et les transformaient à Passy. De là ils partaient à Cormatin pour être distribuées par le train. Les trains passaient par ce qui est maintenant la voie verte.

Parfois mes cousins arrivaient de Paris en train et mon père allait les chercher en voiture à cheval à Cormatin. Ils arrivaient avec des malles pleines d’affaires qu’on n’avait pas ici (par exemple du linge, des tissus pour faire des vêtements) et rentraient avec les mêmes malles remplies de beurre, poulets et légumes.

Pressy était différent de St André. Là-bas, le comte de Lavernette, le maire, était le propriétaire de 7 fermes et de 800ha de terres. Il y avait donc beaucoup moins d’exploitations en propriété qu’à St André.

Les restaurants et les magasins à St André étaient fréquentés par les habitants quand il y avait des fêtes et par les passants. Pâques était une grande fête et en été les hommes allaient au bar, jouaient aux cartes ou aux quilles. C’étaient les seuls amusements.

Bon, on ne peut pas comparer cette époque avec aujourd’hui. Saint André avait alors beaucoup plus d’habitants. Même plus de 1100 en 1870. Ils étaient par exemple 80 habitants rien qu’à en-Saumont. On mangeait ce qu’il y avait et on payait s’il n’y avait pas d’autre solution. Pas d’impôts, pas d’assurance maladie, il n’y avait guère d’hôpitaux. Le médecin venait s’il le fallait, mais il n’y avait pas beaucoup de possibilités. Il y avait aussi beaucoup plus de maisons qu’aujourd’hui. Beaucoup de maisons ont disparu. Je ne sais pas vraiment pourquoi, peut-être par manque d’héritiers ?

L’amour romantique ? Pas vraiment non. Jusqu’au mariage, les filles ne quittaient pas la maison. Juste une ou deux fois par an pour la fête du village, le bal ou autre occasion spéciale. Les mariages étaient le plus souvent arrangés en fonction des terres. Le mariage était une bonne façon d’obtenir plus de terres. Mais ces mariages arrangés n’étaient pas forcément mauvais. Ils habitaient ensemble, avec les parents. Il n’y avait pas beaucoup d’occasion de tromper l’autre, pas de télé, pas de voiture, pas d’internet, on faisait tout à pied. Ils n’étaient probablement pas très amoureux, mais il y avait du respect. C’était comme ça…

Mon père n’a jamais conduit de voiture. Il en a acheté une, mais c’était mon frère qui conduisait. Parce que lui, il avait le permis. On a toujours eu besoin d’un permis de conduire : conduire un petit tour, démarrage en côte et répondre à quelques questions. Et puis espérer que c’était bon.

Ah! autrefois….

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